L’année 2025 marque un tournant historique pour le secteur immobilier français. Entre l’interdiction progressive des passoires thermiques, la généralisation des fonds de travaux en copropriété et les nouvelles obligations de rénovation énergétique, les professionnels de l’immobilier doivent s’adapter à un cadre réglementaire profondément renouvelé. Ces transformations, loin d’être anecdotiques, redéfinissent les règles du jeu pour propriétaires, locataires et agents immobiliers.
L’interdiction des passoires thermiques : un séisme pour le marché locatif
Les logements G interdits à la location depuis janvier 2025
Depuis le 1er janvier 2025, conformément à la loi Climat & Résilience, les logements passoires thermiques classés G au DPE sont interdits à la location. Cette mesure, qui concerne environ 600 000 logements en France, bouleverse le marché locatif et place les propriétaires face à des décisions stratégiques majeures.
« J’ai dû sortir trois appartements du marché locatif en janvier », témoigne Marc Dubois, propriétaire de biens anciens à Lyon. « Ces logements représentaient 30% de mes revenus locatifs. Le choix était simple : rénover ou vendre. » Cette situation illustre le dilemme de milliers de propriétaires confrontés à des investissements lourds pour maintenir leurs biens en location.
L’impact sur les agents immobiliers est immédiat. « Nous recevons 40% de demandes supplémentaires d’estimation pour des biens classés G », observe Patricia Martin, agent immobilier à Toulouse. « Les propriétaires veulent tous savoir s’il vaut mieux vendre ou rénover. Cela transforme complètement notre métier de conseil. »
L’extension programmée aux classes F et E
À compter du 1er janvier 2028, cette mesure concernera également les logements étiquetés F sur le DPE, qui seront eux aussi considérés comme non décents. Puis, à partir du 1er janvier 2034, les logements classés E viendront s’ajouter à cette interdiction.
Cette progression programmée crée une urgence pour les propriétaires de 2,6 millions de logements classés F et E. « Les clients anticipent déjà ces échéances », explique Sophie Rousseau, négociatrice spécialisée dans l’ancien à Nantes. « Ceux qui ont des F commencent à s’inquiéter et les E se posent déjà des questions. Nous devons les accompagner dans une stratégie à long terme. »
L’obligation de rénovation énergétique avant location
Avant le 1er janvier 2025, les propriétaires de logements énergivores consommant plus de 330 kW/m²/an sont tenus d’effectuer des travaux pour améliorer la performance énergétique globale du bâti. Cette obligation génère un marché de la rénovation énergétique estimé à 15 milliards d’euros annuels.
La révolution du DPE et ses implications pratiques
Les nouvelles modalités de calcul pour les petites surfaces
Le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) connaît des évolutions pour les logements de moins de 40 m2. Un arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE s’appliquant à ces logements. Cette évolution technique impacte particulièrement le marché des studios et petits appartements.
« Cette modification a permis à plusieurs de mes biens de passer de G à F », se félicite Julien Lemaire, investisseur spécialisé dans les petites surfaces à Paris. « Cela m’a évité des travaux immédiats tout en me donnant un répit jusqu’en 2028. »
Les agents immobiliers doivent maîtriser ces subtilités techniques pour conseiller efficacement leurs clients. « Je me forme régulièrement sur les évolutions du DPE », confirme Marie Lefèvre, agent indépendante à Bordeaux. « Mes clients attendent une expertise pointue sur ces questions qui conditionnent leurs décisions d’investissement. »
L’impact sur la valorisation des biens immobiliers
Le DPE devient un critère de valorisation majeur, créant un écart croissant entre biens performants et énergivores. Une étude des Notaires de France révèle que l’écart de prix entre un logement A et un logement G atteint désormais 25% en moyenne.
« Les acheteurs négocient systématiquement les prix des biens mal classés », observe Thomas Bertrand, agent immobilier spécialisé dans l’investissement à Marseille. « Nous devons intégrer le coût des futurs travaux de rénovation dans nos estimations, ce qui complexifie notre approche tarifaire. »
Cette évolution pousse les agents à développer de nouvelles compétences d’expertise énergétique et à s’entourer de partenaires spécialisés dans la rénovation.
L’extension du fonds de travaux : une révolution pour les copropriétés
L’obligation généralisée à toutes les copropriétés
La loi Climat et Résilience impose à toutes les copropriétés de constituer un fonds de travaux à partir de 2025. Cette obligation, déjà en place pour les grandes copropriétés, s’étendra aux immeubles de moins de 51 lots. Cette mesure concerne 350 000 copropriétés supplémentaires.
« Nous accompagnons désormais les syndics dans la mise en place de ces fonds », explique Antoine Mercier, agent immobilier spécialisé dans les copropriétés à Nice. « Cela représente une charge nouvelle de 2 à 5% des charges courantes selon les immeubles, information cruciale pour nos acquéreurs. »
Cette obligation transforme l’analyse financière des copropriétés et nécessite une approche plus technique de la part des professionnels.
Les nouvelles dépenses finançables par le fonds
Issue de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, cette réforme renforce les obligations des copropriétés en matière de prévoyance budgétaire pour les travaux collectifs. Le périmètre des dépenses éligibles s’élargit considérablement.
Les syndics peuvent désormais financer via le fonds de travaux : rénovation énergétique, réfection des parties communes, mise aux normes de sécurité et travaux d’accessibilité. « Cette flexibilité facilite la planification des gros travaux », observe Valérie Rousseau, syndic professionnel à Strasbourg.
L’impact sur les charges de copropriété
Toutes les copropriétés de 50 à 200 lots doivent désormais réaliser un Diagnostic de Performance Énergétique collectif (DPE collectif), avec l’objectif d’identifier les rénovations nécessaires pour améliorer leur efficacité énergétique globale.
Cette nouvelle charge s’ajoute aux cotisations du fonds de travaux, impactant le budget des copropriétaires. « Les charges augmentent de 15 à 20% en moyenne », calcule Christophe Blanc, expert-comptable spécialisé dans l’immobilier. « Cette hausse doit être intégrée dans les calculs de rentabilité des investisseurs. »
Le Plan Pluriannuel de Travaux : anticiper pour mieux gérer
L’obligation étendue aux petites copropriétés
Généralisation du Plan Pluriannuel de Travaux (PPT) aux copropriétés de moins de 50 lots, imposant une planification des travaux sur 10 ans pour prévenir la dégradation des immeubles. Cette mesure vise à professionnaliser la gestion des copropriétés de taille moyenne.
« Le PPT nous oblige à une vision stratégique à long terme », témoigne François Dubois, président de syndic bénévole d’une copropriété de 35 lots à Rennes. « Nous devons anticiper les travaux et leurs coûts, ce qui change complètement notre approche de la gestion. »
L’impact sur la transparence et la prévisibilité
Cette planification renforce la transparence pour les acquéreurs potentiels et facilite l’évaluation des charges futures. « Les acheteurs demandent systématiquement le PPT avant signature », confirme Sylvie Martin, notaire spécialisée dans l’immobilier ancien. « C’est devenu un document de référence pour estimer le coût global de possession. »
Les agents immobiliers doivent maîtriser la lecture de ces documents techniques pour accompagner leurs clients dans l’analyse des copropriétés.
L’évolution des métiers de l’immobilier
Vers une expertise réglementaire renforcée
Les agents immobiliers développent de nouvelles compétences pour accompagner leurs clients. « Je me forme régulièrement sur les aspects énergétiques et réglementaires », témoigne Isabelle Rousseau, agent immobilier à Montpellier. « Mes clients attendent une expertise complète sur les obligations légales, les aides disponibles et les stratégies d’optimisation. »
Cette montée en compétences technique différencie les professionnels et justifie leur valeur ajoutée face à la concurrence digitale.
Le développement de partenariats spécialisés
« J’ai noué des partenariats avec des entreprises de rénovation énergétique, des diagnostiqueurs et des courtiers spécialisés dans les prêts travaux », détaille Philippe Martin, agent immobilier à Toulouse. « Cette approche globale rassure mes clients et génère des revenus complémentaires. »
Ces écosystèmes de partenaires permettent d’offrir un service complet et de capter de nouveaux flux d’affaires générés par les obligations réglementaires.
L’impact sur les stratégies d’investissement
La redéfinition des critères de rentabilité
Les nouvelles obligations transforment les calculs de rentabilité immobilière. « Nous intégrons désormais le coût des mises en conformité futures dans nos analyses d’investissement », explique Christine Duval, conseillère en investissement immobilier. « Un bien F peut nécessiter 30 000 euros de travaux d’ici 2028, ce qui change complètement l’équation financière. »
Cette approche prospective nécessite une expertise technique approfondie et des outils d’analyse sophistiqués.
L’opportunité des biens décotés
Paradoxalement, les nouvelles contraintes créent des opportunités pour les investisseurs avertis. « J’accompagne des investisseurs qui achètent des biens G décotés pour les rénover », témoigne Michel Blanchard, spécialiste de l’investissement locatif. « Avec les aides publiques et la déductibilité fiscale des travaux, l’opération peut être très rentable. »
Cette stratégie nécessite une maîtrise fine des dispositifs d’aide et une capacité d’expertise technique que développent les agents spécialisés.
La hausse des frais de notaire : un coût supplémentaire pour l’acquéreur
L’augmentation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
L’article 116 de la loi de finances pour 2025 permet aux départements de relever de 0,5 point pour 3 ans le taux des droits de mutation à titre onéreux applicables aux ventes de biens immobiliers. Cette mesure, qui fait passer les frais de notaire de 4,5% à 5% dans les départements concernés, représente un surcoût significatif pour les acquéreurs.
Le Conseil de Paris a été le premier à voter la hausse des DMTO d’un demi-point, portant les frais d’acquisition à 5 %. Cette décision, suivie par d’autres départements comme le Val-de-Marne et la Côte-d’Or, crée une charge supplémentaire importante pour les acheteurs.
« Cette hausse représente un surcoût estimé à 1 500 € environ pour un achat de 300 000 € », calcule Julien Martin, courtier en crédit immobilier. « Nos clients doivent désormais intégrer cette augmentation dans leur plan de financement, ce qui peut compromettre certains projets à la marge. »
L’impact sur les stratégies d’achat et la temporalité des transactions
Pour ceux qui ne sont pas primo-accédant et qui envisagent un achat immobilier dans l’ancien, il serait judicieux de concrétiser leur projet avant le 1er juin 2025, date probable de l’entrée en vigueur de la hausse. Cette anticipation crée une pression temporelle sur les transactions.
« Nous constatons une accélération des signatures depuis l’annonce de cette mesure », témoigne Sophie Durand, notaire à Lyon. « Les acquéreurs cherchent à finaliser leurs achats avant l’application de la hausse, ce qui génère un pic d’activité inhabituel en fin de premier semestre. »
Cette situation pousse les agents immobiliers à adapter leur approche commerciale et leurs outils de prospection pour gérer cette demande concentrée sur une période courte.
Les défis opérationnels pour les professionnels
La gestion de l’afflux de demandes d’expertise
« Depuis janvier, nous recevons trois fois plus de demandes d’estimation et de conseil », observe Julien Bertrand, directeur d’agence à Bordeaux. « Nos équipes sont débordées et nous devons optimiser nos processus pour maintenir la qualité de service. »
Cette surcharge nécessite une réorganisation des méthodes de travail et l’adoption d’outils d’automatisation pour les tâches répétitives.
L’adaptation des outils commerciaux
Les supports commerciaux évoluent pour intégrer les nouvelles problématiques. « Nos brochures, notre site web et nos argumentaires de vente intègrent désormais systématiquement les aspects énergétiques », détaille Sarah Martinez, responsable marketing d’un réseau d’agences. « C’est devenu un prérequis pour la crédibilité commerciale. »
Cette adaptation nécessite des investissements en communication et en formation des équipes.
D’autres changements majeurs qui redessinent le paysage immobilier
La fin du dispositif Pinel : un bouleversement pour l’investissement locatif
Le dispositif Pinel, qui permettait aux investisseurs de bénéficier de réductions d’impôts de 14% sur 12 ans, a pris fin le 31 décembre 2024. Il n’est plus possible d’en bénéficier pour des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2025.
« Cette fin de dispositif transforme complètement le marché de l’investissement locatif », observe Laurent Dubois, conseiller en gestion de patrimoine à Paris. « Nos clients investisseurs cherchent désormais d’autres leviers de défiscalisation comme la loi Denormandie, le statut LMNP ou le déficit foncier. »
Les alternatives restent nombreuses pour les investisseurs qui doivent adapter leurs stratégies en 2025 : rénovation avec la loi Denormandie, préservation du patrimoine avec la loi Malraux, ou location meublée avec le statut LMNP.
L’encadrement renforcé des meublés de tourisme
Tous les meublés de tourisme devront faire l’objet d’un enregistrement par leurs propriétaires auprès d’un téléservice, au plus tard le 20 mai 2026. De plus, les maires ont désormais le pouvoir de mettre en place des quotas de meublés de tourisme dans leur commune.
Face à la tension du marché locatif dans de nombreuses villes françaises, le cadre réglementaire des meublés de tourisme devient plus strict dès le 1er janvier 2025. Cette mesure vise à éviter l’accaparement du marché par les locations saisonnières au détriment du logement permanent.
« Nous accompagnons nos clients propriétaires de meublés touristiques dans ces nouvelles démarches », explique Marie Rousseau, agent immobilier spécialisée à Nice. « L’enregistrement obligatoire et les quotas communaux changent la donne pour les investisseurs dans ce secteur. »
L’information obligatoire sur le débroussaillement
À partir de 2025, les propriétaires de biens immobiliers situés dans les zones à risque d’incendie devront informer les acquéreurs et les locataires sur les obligations légales de débroussaillement. Cette information doit avoir lieu dès l’annonce immobilière et être intégrée à l’état des risques.
« Dans le Sud de la France, cette obligation concerne une grande partie de nos biens », témoigne Philippe Martin, agent immobilier à Cannes. « Nous devons désormais intégrer cette information dès la mise en vente et joindre la fiche dédiée du site Géorisques lors de la première visite. »
Les nouveaux formulaires d’urbanisme
Depuis le 1er janvier 2025, de nouveaux formulaires Cerfa sont en vigueur pour les autorisations d’urbanisme. Un nouveau formulaire Cerfa n°16700 sert désormais pour les demandes de modification d’une non-opposition à déclaration préalable et pour les demandes de permis modificatifs.
Cette simplification administrative facilite les démarches pour les propriétaires souhaitant modifier leurs projets en cours d’instruction, mais nécessite une mise à jour des pratiques pour tous les professionnels.
Vers un marché immobilier plus transparent et performant
L’accélération de la transformation digitale
Les nouvelles obligations poussent les professionnels à accélérer leur transformation digitale. « Nous avons investi dans un écosystème complet : CRM spécialisé, chatbot réglementaire et campagnes automatisées », explique François Lemaire, agent indépendant performant. « Ces outils nous permettent de traiter efficacement la complexité croissante du marché. »
Cette digitalisation devient un facteur de compétitivité déterminant dans un environnement réglementaire complexe.
L’émergence de nouveaux services à valeur ajoutée
« Nous développons des audits énergétiques préalables pour nos vendeurs », illustre Marie Dubois, agent immobilier innovante. « Cette approche proactive évite les mauvaises surprises et optimise la commercialisation des biens. »
Ces services différenciants permettent aux agents de justifier leur expertise et de générer des revenus complémentaires.
Conclusion : s’adapter ou disparaître
L’année 2025 marque une rupture définitive dans l’immobilier français. Les dix changements majeurs – de l’interdiction des passoires thermiques à la généralisation des fonds de travaux en copropriété – transforment profondément les pratiques professionnelles et les stratégies d’investissement.
Les agents immobiliers qui prospéreront sont ceux qui sauront combiner expertise réglementaire approfondie et outils technologiques performants. L’intégration de chatbots spécialisés, de systèmes de prise de rendez-vous automatisée et de campagnes web optimisées devient indispensable pour gérer efficacement cette complexité croissante.
Cette transformation, loin d’être une contrainte, ouvre de nouvelles opportunités pour les professionnels qui sauront accompagner leurs clients dans cette transition énergétique et réglementaire majeure. L’avenir appartient à ceux qui transformeront ces défis en leviers de croissance.
